“L’intelligence, c’est comprendre avant d’affirmer. C’est, dans une idée, de chercher à aller plus loin, de chercher sa limite, de chercher son contraire. Par conséquent c’est comprendre les autres. Et entre soi et autrui, entre le pour et le contre, de trouver petit à petit, un chemin. Je sais bien que cette morale intellectuelle, tout le monde ne l’aime pas, surtout aujourd’hui. On aime les couleurs tranchées, et que chercher les nuances entre le blanc et le noir, ça paraît
un peu gris, terne. Et pourtant, à mon avis, ce sont les fanatiques, les dogmatiques, qui sont ennuyeux. D’abord on sait toujours ce qu’ils vont dire à l’avance. tandis qu’au contraire, les sceptiques, ou en tout cas les gens qui aiment le paradoxe, sont amusants. Et le paradoxe c’est, devant une idée évidente, chercher l’autre idée. Et puis aujourd’hui le compromis c’est la plus belle, la plus courageuse des opérations intellectuelles, et pourtant compromis c’est devenu péjoratif, ça veut dire une compromission. Et bien moi malgré tout je continue a penser qu’il faut chercher une juste synthèse, et je continue à dire que le monde n’est pas si simple et pas si absurde et justement l’intelligence c’est chercher dans quelle mesure on peut mettre un petit peu de raison dans cette absurdité.

Ce n’est pas parce que je vieillis que je fais cette déclaration de prudence intellectuelle. Quand j’avais 20 ans, au contraire, j’étais encore plus ouvert aux autres. Et c’est maintenant que je voudrais donner de temps en temps des vacances à l’intelligence, et faire des bêtises. Je ne sais pas si j’y arriverai. Mais
en tout cas, je crois qu’il faut aimer les jeunes sages et les vieux fous.”  Roger Leenhardt